Chaque fois que l’on voit l’image d’une posture de Yoga exécutée par un professionnel, nous ne pouvons que nous extasier devant son niveau de maîtrise et l’esthétique qui s’en dégage. Cependant, aussi séduisantes soient-elles, de telles images ont aussi un effet pervers. Elles véhiculent à une majorité d’entre nous de manière implicite le message que nous n’avons ni la flexibilité ni la forme physique suffisantes pour de telles contorsions. Sur le fond, contrairement à ce que véhiculent de manière subliminale de telles images, la performance physique de ces postures n’est pas du tout le but à atteindre. Le caractère commercial de ces images éloigne en les intimidant beaucoup de ceux qui auraient besoin de pratiquer le Yoga. Vous aurez fait sans doute le parallèle avec le secteur de la mode où de jeunes mannequins à la limite de l’anorexie portent les dernières collections. Ces images de magazine ont le même pouvoir d’attraction mais aussi de répulsion. Largement retouchées, ces photos parfaites dissuadent d’emblée de jeu les millions de femmes qui n’ont pas la taille mannequin. Ceci est d’autant plus dommageable pour le Yoga que le but des postures est de développer l’unité du corps et de l’esprit grâce à une pratique quotidienne. Le Yoga est avant tout une expérience de conscience qui se développe par l’attention régulière portée sur le corps physique pendant les postures. Le mental s’apaise jusqu’à se mettre au repos, état appelé samadhi (voir à ce sujet http://la-voie-de-l-ayurveda.com/la-transcendance-est-le-fondement-ultime-de-la-sante/). Le Yoga permet d’accéder à la nature illimitée de la conscience. C’est son véritable but. Le Yoga s’adresse à tous, même si le corps de la personne n’a plus la flexibilité suffisante pour exécuter une posture destinée à un magazine. Deux personnes aux structures osseuses différentes exécuteront un même asana de manière différente. Mais, au-delà des apparences, elles en tireront les mêmes bénéfices.
Si nous devons pratiquer le Yoga à tout âge, c’est aussi pour des raisons de santé. Plusieurs études ont cherché à démontrer que cette pratique réduisait de manière significative le nombre de visites à l’hôpital, entraînant du même coup une réduction des dépenses de santé. Seulement voilà, plusieurs de ces études ont été contestées par les puristes, entre autre parce qu’elles devraient être faites idéalement en double aveugle. Or, il est difficile de concevoir l’équivalent d’un effet placebo du Yoga, comme cela se pratique couramment pour mesurer l’effet d’une préparation . La taille des échantillons est également pointée du doigt, souvent jugée insuffisante. La récente étude réalisée par les chercheurs du Benson-Henry Institute for Mind Body Medicine du Massachusetts General Hospital échappe en partie à ces critiques puisqu’elle s’appuie sur l’analyse de 4000 dossiers de patients ayant appris la pratique du Yoga sur les conseils de leur médecin traitant. Les dossiers ont été collectés entre 2006 et 2014. Les résultats ont été publiés dans le journal PLOS One. Ils montrent que les visites hospitalières ont baissé de 43% alors que l’économie en termes de santé a été évaluée à 2360 $. L’étude a pris en compte l’analyse de 13.000 dossiers de patients ayant appris le Yoga, mais de leur propre initiative.
Bien que la plupart des études soient contestées au nom de la rigueur scientifique, nombre d’entre elles ont été menées en Inde avec des résultats fort convaincants. Exemple parmi d’autres : une étude clinique de trois mois portant sur 283 patients souffrant du diabète, dont certains de manière sévère, a été effectuée au Yogic Treatment cum Research Centre de Jaipur. En plus de la pratique de certaines postures[1], les patients ont reçu un régime alimentaire équilibré d’environ 2 900 calories. Des paramètres tels que le poids, l’urine, le taux de sucre à jeun dans le sang ou même l’ECG ont été scrutés de façon séquentielle au cours des trois mois de l’étude. Les résultats ont montré une amélioration significative de tous les facteurs étudiés pour plus de 52% des patients. Certains patients avaient même complètement guéri. Un peu moins contestées, les études portant sur le mal de dos, affection fréquente s’il en est, montrent que la pratique régulière du Yoga aide à prévenir et à traiter ce que d’aucuns ont appelé « le mal du siècle ». Un essai de trois mois respectant le principe du choix aléatoire de l’échantillon[2] a comparé les résultats obtenus par la pratique en douceur du Yoga auprès de 101 patients atteints de lombalgie. Le groupe témoin pratiquait pour sa part des exercices classiques prescrits contre le mal au dos. Le groupe pratiquant le Yoga a montré une plus forte amélioration par rapport au groupe témoin (étude conduite par Sherman et al, 2005).
Les effets du Yoga sur le comportement sont également convaincants. La pratique donne de bons résultats chez les enfants souffrant du déficit d’attention avec hyperactivité (TDHA), mal de plus en plus répandu dans nos sociétés. L’enfant souffrant de ce syndrome a du mal à se concentrer et à rester attentif. Il devient impulsif, voire hyperactif, ce qui a des effets négatifs sur sa scolarité ainsi que sur ses relations familiales. Une étude portant sur un échantillon de 19 garçons souffrant de ce mal a été réalisée aux Etats-Unis par Jensen & Kenny en 2004. Les enfants ont été répartis en deux groupes, un premier pratiquant le Yoga et un second pratiquant des activités de coopération. Bien que les deux groupes aient constaté une amélioration du comportement chez les enfants, le groupe pratiquant le yoga a obtenu les changements les plus significatifs en termes de responsabilité émotionnelle, d’agitation et de comportement impulsif. Les enfants ayant ajouté une pratique supplémentaire du Yoga à la maison ont obtenu les meilleurs résultats. Des résultats bénéfiques ont été obtenus pour des troubles aussi variés que l’anxiété, la dépression, l’ostéoporose, l’hypertension, etc[3]. Le Yoga peut être utilisé seul ou en complément d’autres thérapies.
Une autre façon de mesurer les bienfaits du Yoga consiste à analyser directement ce qui se passe dans le corps pendant la pratique de certaines postures. Une analyse globale des mouvements montre que l’accent est généralement mis sur l’axe central du corps qui se situe au niveau de la colonne vertébrale. Les postures éveillent sa capacité à onduler d’avant en arrière et à se contorsionner. Nous pouvons alors ressentir notre propre corps, et à travers lui le monde qui nous entoure. Nous pouvons ressentir aussi notre propre souffle, nos battements de cœur, voire le pouls de notre carotide. La science nous apprend que, grâce à la capacité accrue à ressentir notre propre corps, nous augmentons notre capacité à ressentir de l’empathie pour tout le monde qui nous entoure. Nous savons que la déconnexion du monde de la nature et de l’environnement commence avec la déconnexion de notre propre corps. Le yoga permet de remédier à ce problème en rétablissant le contact avec le corps. L’impact va plus loin qu’un simple effet musculaire. Les neurosciences nous apprennent que la répétition d’une posture d’asana crée des connexions neuronales dans certaines parties du cerveau.
Il est également possible d’analyser ce qui se passe lors de la pratique d’une posture spécifique, voire d’une série de postures. Prenons l’exemple de la salutation au soleil, Suryanamaskar en sanscrit. Cette séquence de douze postures de flexion et d’extension est pratiquée chaque matin par des millions de personnes en Inde depuis des millénaires. Elle l’est aussi en occident. Elle active la respiration et le système digestif au point du corps où la cage thoracique rejoint l’abdomen. C’est à ce niveau que le diaphragme divise le corps en deux parties. En dessous se trouvent le foie et l’estomac, essentiels pour la digestion, et au-dessus se trouvent les poumons et le cœur, deux organes vitaux. Si cette zone du corps devient rigide, le bon fonctionnement des organes au-dessus et au-dessous du diaphragme peut se trouver compromis. Garder un diaphragme libre est essentiel pour la santé.
La série de flexions et d’extensions du Suryanamaskar est coordonnée avec l’inspiration et l’expiration. Lorsque le corps se met en extension, l’inspiration profonde contracte le diaphragme, favorisant l’entrée de l’air dans les lobes inférieurs des poumons. Lors de cette extension, la cage thoracique se déplace vers le haut, le diaphragme tire alors la poitrine et l’abdomen vers le bas. L’étirement pousse la cage thoracique, le cœur et les poumons vers le bas. L’abdomen, l’estomac et le foie sont eux-mêmes tirés vers le bas, créant plus d’espace sous le diaphragme, ce qui favorise une meilleure digestion et une respiration plus profonde. Après l’extension suit une posture de flexion qui rapproche la cage thoracique de l’abdomen. Le diaphragme se détend, la cage thoracique comprime les poumons en forçant l’expiration. Ainsi, lorsque le corps fléchit vers l’avant et que la cage thoracique et l’abdomen se rejoignent, les tissus et les organes se détendent, augmentant le flux sanguin qui restaure l’élasticité. Chaque posture d’extension crée une plus grande flexibilité, alors que chaque posture de flexion détend les tissus connexes et augmente le flux sanguin, lubrifiant l’élasticité des organes et des muscles associés. La salutation au soleil développe ainsi l’élasticité et la souplesse dans tout le corps en jouant sur la jonction entre le diaphragme et l’abdomen. La pratique correcte de cette suite de douze postures favorise une respiration qui diminue le stress et favorise le sommeil, le contrôle du poids[4], la résistance structurelle du dos et du cou et enfin la santé du cœur et des poumons. En renforçant l’élasticité entre le diaphragme et l’abdomen, Suryanamaskar favorise aussi la digestion en diminuant les troubles digestifs.
La salutation au soleil est donc une bonne pratique contre le stress. Ce dernier se manifeste par une respiration buccale haletante et superficielle qui remplit les lobes supérieurs des poumons et active les récepteurs de lutte ou de fuite qui les tapissent. A contrario, la respiration par le nez permet à l’air inhalé d’être filtré par les cornets du nez et conduit profondément dans les lobes inférieurs des poumons où prédominent des terminaisons nerveuses apportant le calme. En conclusion, la clé de la respiration selon l’Ayurveda est d’utiliser les cinq lobes des poumons, notamment aux lobes inférieurs source de calme, seuls capables de réparer le système nerveux et d’éliminer les déchets toxiques du corps. La salutation au soleil tire littéralement l’estomac et l’abdomen loin du diaphragme et de la cage thoracique à chaque extension, et donc chaque inhalation. A chaque posture de flexion, la cage thoracique et l’abdomen se rapprochent, le diaphragme se détend, les tissus entre l’estomac et le diaphragme sont nourris par un afflux de sang qui restaure l’élasticité de la membrane, des poumons et de l’estomac[5].
Jo Cohen
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[1] Les patients pratiquaient Sarvangasana, Halasana, Mayurasana, Padahastrasana, Uttana Padasana, Sirsasana, Janusirasana, Pavanamuktasana, Savasana, etc, ainsi que quelques kriyas nécessaires matin et soir, sous la direction d’un professeur qualifié.
[2] Ce principe imposé aux études scientifiques est connu sous le sigle de RCT, Radndomized Control Trial.
[3] Pour plus de details, consulter les sites suivants: National Institutes of Health’s National Center for Complementary and Alternative Medicine (NCCAM), http://nccam.nih.gov/clinicaltrials/ alltrials.htm; National Center for Biotechnology Information, www.ncbi.nlm.nih .gov/sites/entrez; Open Mind Open Body, www.openmindbody.com/yogaresearch.html et International Association of Yoga Therapists (IAYT), www.iayt.org.
[4] When somebody loses weight, where does the fat go? British Medical Journal 2014; 349 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.g7257 (Published 16 December 2014)
[5] International Journal of Yoga, 2011 Jul-Dec; 4(2): 71–76. doi: 10.4103/0973-6131.85489 ‘A comparative study of slow and fast suryanamaskar on physiological function’ Ananda Balayogi Bhavanani, Kaviraja Udupa, Madanmohan, and PN Ravindra.
Bonjour JO
Merci infiniment pour cet article et l’explication que tu donnes quant à la pratique du yoga en respectant les limites de son corps.
par contre j’ai une question : Dans son livre ‘yoga sans dégâts » Bernadette de Gasquet dit qu’il ne faut pas inspirer lors d’une extension, qu’il faut expirer même dans une extension, qu’il faut expirer dans l’effort. elle l’explique par rapport au diaphragme et à l’abdomen. C’est difficile de t’expliquer tout cela en détail.
par ex dans la salutation où chaque posture est dans l’inspir ou dans l’expir comme on nous l’apprend, B de Gasquet remet un peu en cause cette respiration. Elle dit que cela ne correspond pas à la respiration physiologique.
j’aimerai vraiment avoir ton avis là dessus même si tu n’as sans doute pas lu ce livre. B de Gasquet est entre autres prof de yoga.
merci d’avance pour ta réponse
amicalement
Jacqueline
Bonjour Jacqueline
Je n’ai pas lu le ivre en question mais je trouve étrange la proposition de Bernadette.
Quand on fait une flexion, cela incite naturellement à expirer.
Idem en cas d’extension, on tend naturellement à inspirer.
Le problème vient peut être des nombreuses traductions successives dans plusieurs langues qui dénaturent les textes d’origine.
Le mieux est de se référer à des textes publiés en Inde, notamment à Poona, l’un des grands centres de la pratique des asanas.
Je te donne un lien vers une vidéo indienne qui explique bien comment coordonner la respiration :
https://youtu.be/9QyXbfLIj7g
Bon dimanche
Jo