L’épopée du Râmâyana[1] occupe une place importante dans la culture indienne. Ce texte sanscrit issu de la littérature védique et dont les personnages sont des rois, des maîtres spirituels, des incarnations de divinités, des animaux et des démons est régulièrement mis en scène dans le moindre village indien, offrant à tous, y compris ceux qui ne savent pas lire, de baigner régulièrement dans l’atmosphère inspirante de cette histoire à nulle autre pareille. Les mondes des dieux, des humains et des démons y sont inextricablement mêlés. Tous les indiens connaissent la trame de l’histoire illustrant la personnalité extraordinaire du prince Râma. Fils du roi Dasharath et de la reine Kaushalya, Râma est né dans la dynastie solaire de la lignée d’Ikshvâku. Littéralement parlant, le Râmâyana est l’histoire d’un prince déchu qui reconquiert son royaume après avoir sauvé son épouse des mains du roi des démons qui l’avaient enlevée. Tout au long de ce long récit, il accomplit de grands exploits en éliminant la négativité et en rétablissant l’état de perfection dans le monde. Beaucoup d’indiens considèrent ce texte comme une source inépuisable d’inspiration à lire et à relire sans fin. A ce titre, le Râmâyana est un véritable livre de développement personnel[2].
Page après page, il n’est question que de valeurs idéales incarnées par plusieurs personnages, Râma, son épouse Sita, son cadet Lakshmana et le singe Hanuman occupant le devant de la scène face au roi des démons, Râvana. La dévotion réciproque de Râma et de son épouse Sita incarne l’idéal de la relation de couple. Les qualités d’amour et d’attention dans les relations entre parent et enfants sont également mises en lumière. La dévotion profonde de Hanuman envers le prince Râma illustre quant à elle la dévotion au divin et au maître spirituel. Lorsque Sita est enlevée par Râvana, le grand aigle Jatâyu s’interpose au prix de sa vie, ne reculant pas devant le sacrifice de soi. Ainsi, un large éventail de situations et d’influences sont contées, intégrant à la fois l’influence des planètes, les effets du karma et la force fondamentale de l’évolution qui pousse à progresser. Face aux valeurs de nos sociétés modernes, de telles valeurs interpellent. Exemple révélateur à la base de l’intrigue, le respect de la parole donnée est un précepte dont tout leader devrait s’inspirer. Autre point remarquable, le récit accorde une grande importance à la direction de l’Est. Tous les personnages du Râmâyana se tournent vers l’Est pour toute action majeure, y compris pour méditer. La science moderne admet depuis peu que les neurones communiquent différemment selon la direction que nous regardons[3] et que le cerveau fonctionne parfaitement dans la direction de l’est, y compris lorsque la personne se trouve dans un bâtiment. De récentes études[4] montrent en effet que le cerveau est perturbé dans un bâtiment mal orienté, entrainant des troubles physiologiques, psychologiques et comportementaux.
C’est clair, le Râmâyana remplit admirablement sa mission en tant que livre de développement personnel. Toutefois, se limiter à cette seule dimension serait une grande perte, car le Râmâyana est bien plus que cela. Le Râmâyana est l’histoire du développement de la conscience jusqu’à son but ultime, la conscience d’unité, un objectif loué sous différents noms dans toutes les traditions spirituelles. Dans son livre « Le Râmâyana dans la physiologie humaine »[5], inspiré par le sage indien Maharishi Mahesh Yogi, le Dr Tony Nader montre que ce texte védique raconte en fait comment le système nerveux humain peut se développer de façon à se libérer complètement des stress et des tensions qui le privent de la plénitude de ses moyens et de la jouissance complète de la vie. Ainsi, chaque personnage, chaque lieu, chaque événement, chaque relation entre les personnages, est une allégorie d’une structure ou d’une fonction de la physiologie humaine. Le cerveau étant, grâce à sa plasticité, un instrument que l’on peut améliorer, le Râmâyana nous montre la voie à suivre pour atteindre cet état supérieur de la conscience.
Bien sûr, le Râmâyana fait partie intégrante du Véda, terme sanscrit signifiant «connaissance ». Traditionnellement, le Véda et La Littérature Védique sont considérés comme la connaissance totale de la vie et de la création, transmise oralement depuis des milliers d’années par les familles védiques de l’Inde. Le Véda peut être compris comme une symphonie qui viendrait de l’intérieur de soi, à partir du niveau transcendantal de la conscience. Le Véda et la physiologie humaine ne sont en fait qu’une seule et même chose. Rappelons que le sage Maharishi Mahesh Yogi a révélé la connaissance complète du Véda, ses dynamiques de structuration et son pouvoir d’organisation infini. Il a structuré l’ensemble de la littérature védique en 40 branches et montré que le Véda est la science parfaite de la vie. L’une de ces 40 branches, appelée Itihasas, contient les deux grandes épopées védiques que sont le Mahabharata et le Râmâyana. Selon le Dr. Tony Nader, ces récits d’avatars[6], de rois, de Rishis[7], de Dévatas[8] et de Rakshasas[9] comportent de grandes sagesses et enseignements. Valeurs et comportement idéaux y côtoient complots entre familles et batailles impliquant de nombreuses espèces d’êtres. Les stress et tensions de la physiologie se trouvent également présents dans le Râmâyana sous la forme de Rakshasas. Ces derniers correspondent à des anomalies dans le système nerveux qui peuvent être éliminées par l’expérience régulière de la conscience transcendantale grâce à la pratique de la méditation transcendantale. Ce niveau de la vie est aussi appelé Atma, la Totalité. Dans le Râmâyana, l’expérience de la transcendance favorise la croissance de Râma ainsi que l’illustre la progression de la cohérence des ondes alpha dans le cortex préfrontal.
Lors d’une conférence donnée en 2012 à Paris, le Dr. Tony Nader expliquait que le voyage de Râma était une structuration et une purification du royaume. Ce voyage commence dans le cerveau où ont lieu les premiers apprentissages de la vie. Les quatre frères de l’épopée, Râma, Lakshmana, Bharata et Shatrugna représentent les quatre lobes du cerveau humain. Râma correspond au cortex somato-sensoriel et au cortex sensori-moteur. Il inclut le cortex préfrontal. Lakshmana correspond au lobe occipital. Bharata et Shatrugna sont les deux lobes temporaux. Ces quatre parties du cerveau sont nourries pas trois artères qui représentent les trois mères du Râmâyana, Kaushalya, Sumitrâ et Kaikeyi. Sita représente le cœur et le système cardiovasculaire. Le mariage de Râmâ et de Sita exprime la relation profonde qui existe entre le système cardiovasculaire et le système nerveux. Quant à Hanuman, il représente les messagers biochimiques que sont les hormones, les neuro-hormones, les neurotransmetteurs, etc., capables de couvrir d’énormes distances au sein de la physiologie. Ces messagers sont secrétés par les glandes hormonales commandées par la glande pituitaire antérieure et postérieure.
Dans cette nouvelle dimension du Râmâyana, la bataille entre Râma et Râvana illustre la bataille pour le contrôle de l’action qui met en jeu deux impulsions opposées, l’impulsion de la passion et l’impulsion du Dharma. Incarnée par Râvana, l’impulsion de la passion se traduit par un manque de discrimination appropriée alors que l’impulsion du Dharma repose sur une évaluation empreinte de sagesse du but de l’action , en rapport avec la Loi Naturelle, l’incarnation de Râma, la voie de la droiture et de la vertu. C’est au niveau du cortex somato-sensoriel et du cortex sensori-moteur qu’intervient le contrôle de l’action dans la physiologie. L’arc de Râma correspond à la colonne vertébrale qui sert de support au système nerveux central. Les flèches correspondent aux impulsions nerveuses qui voyagent via le tronc cérébral et la moelle épinière du système nerveux périphérique pour atteindre les organes de la parole et de l’action. Chaque fois que nous accomplissons une action, nos sens et nos fonctions motrices reportent aux structures du cerveau qui représentent Râma. Tout au long de cette épopée, Râma inspire et dirige l’action de la bataille contre Râvana en apportant soutien et conseils à tous les combattants engagés sur le champ de bataille.
Les recherches scientifiques montrent que la pratique de la méditation transcendantale, et plus généralement l’expérience de la transcendance, développe les qualités idéales incarnées par Râma dans le Râmâyana. Le développement de la personnalité par la pratique du programme de méditation transcendantale a été confirmée dès les années 70 grâce aux tests du Personal Orientation Inventory[10] et du Northridge Development Scale[11]. Le thème de l’adaptation conjugale dans le cadre du mariage a aussi fait l’objet d’une recherche. Conduite par Elaine et Arthur Aron, elle a été publiée dans la revue Psychological Reports[12]. Dix-sept femmes mariées ayant appris le programme de méditation transcendantale ont été comparées à dix-sept femmes ne pratiquant aucune technique. Les femmes en question ont été appariées en fonction de la durée de leur mariage, de leur âge et de leur quartier de résidence. Aucune ne savait pas que l’étude était en rapport avec la pratique de la méditation transcendantale ni qu’elles avaient été contactées parce qu’elles méditaient. L’étude a montré que les femmes du groupe pratiquant la méditation transcendantale jouissaient d’une plus grande satisfaction conjugale par rapport à celles du groupe de contrôle. En outre, la satisfaction était plus marquée lorsque la pratique était régulière. La conclusion s’impose d’elle-même : la pratique régulière de la méditation transcendantale aide ainsi à prévenir la discorde conjugale. Lors d’une autre étude portant sur les relations familiales, conduite par Martha Chen[13], des familles pratiquant la méditation transcendantale depuis cinq ans ont été comparées à des familles pratiquant cette même technique depuis moins d’un an. La comparaison sur 23 familles a été effectuée suivant l’échelle d’évaluation Beavers-Timberlawn. Les caractéristiques suivantes de cette échelle ont été mesurées: structure de la famille, mythologie, négociations avec objectif, autonomie, affect familial et santé affective/pathologique. Des différences statistiquement significatives ont été constatées en termes de relations familiales entre les deux groupes. Sur chaque caractéristique de l’échelle, les familles qui méditaient depuis longtemps montraient une meilleure santé relationnelle que les familles qui méditaient depuis peu et que les familles qui ne méditaient pas du tout, constat découlant d’une étude antérieure.
Jo Cohen
NB : Conférence du Dr. Tony Nader à Paris en 2012 : https://youtu.be/VyVbrfkFcS0
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[1] L’épopée du Râmâyana est rapportée en vers écrits en sanscrit par Valmiki, un brigand qui détroussa un jour deux sages qui changèrent le cours de sa vie et en firent un sage. Il existe des traductions plus ou moins complètes de ce long texte dans toutes les langues. En Français, la plus complète est publiée chez Gallimard. On trouve une version courte aux Editions Dervy. La plus courante est « Le Râmâyana conté selon la tradition orale » publié par Albin Michel dans la collection Spiritualités Vivantes.
[2] Cette catégorie de livres connaît un développement explosif tant l’homme moderne a besoin d’inspiration dans sa vie quotidienne. Chiffre révélateur de cette soif de valeurs : la vente de livres de développement personnel génère plus de 10 milliards de profits chaque année aux Etats-Unis !
[3] Référence: Progress in Neurobiology 13 (1979): 419-439; Journal of Neuroscience 15 (1995): 6280-6290; and Processing the Head Direction Cell Signal: A Review and Commentary’, Brain Research Bulletin 40 (1996): 477-486.
[4] Elles sont publiées dans la revue scientifique Journal of Social Behaviour and Personality.
[5] Ce texte est en cours de traduction en français par le Dr. Michèle Raulin, psychothérapeute. Voici ce qu’elle en dit : « Je suis en train de traduire le « Râmayana dans la physiologie » pour mon usage personnel. Cet exercice me donne à apprécier dans le détail l’immensité de la connaissance offerte dans ce livre. Il y a là tous les fondements de la médecine et de la société de demain … ». La version anglaise « Râmâyana in human physiology » est en vente sur de nombreux sites Internet.
[6] Incarnations divines.
[7] Sages cognisant le Véda.
[8] Les Dévata sont des êtres divins incarnant des lois de la nature.
[9] Démons.
[10] Etude de Larry Hjelle, « Trenscendantal meditation and psychological health », Université de Californie
[11] Etude de Ferguson et Gowan, Université de Californie.
[12] Psychological Reports, Volume 51, Numéro, pp 887-890
[13] Journal of Holistic Nursing, Mars 1987, vol 5: pp 6-10
Article très intéressant…
Bonjour JO
Article très intéressant, je ne connaissais pas le ramayana et sa signification. merci pour les explications.
belle semaine
amicalement
Jacqueline
Très intéressant je viens de télécharger le livre du ramayana
Il y a une version gratuite en ebook qui existe
Merci jo