Que dit l’Ayurvéda au sujet du pain ? En fait, rien ! Le pain est totalement inconnu de tous les traités classiques de l’Ayurvéda. L’avis qui suit est celui d’un éminent médecin ayurvédique, le Docteur Raju, disciple de feu le Docteur Balraj Maharshi (voir à ce sujet http://la-voie-de-l-ayurveda.com/rencontre-avec-un-medecin-ayurvedique-hors-du-commun/). Selon lui, le pain bio fait au levain naturel peut être consommé à condition que la farine de blé complète – pas de farine intégrale – ait été moulue fraîchement et que le pain soit également frais. Il ne faut donc pas garder du pain au-delà de quelques heures, car il devient plus lourd, plus difficile à digérer, d’où une plus grande quantité potentielle d’ama qui peut s’accumuler dans la physiologie. A condition de ne pas le brûler, ce pain bio peut être toasté afin de le rendre plus léger et plus digeste. Il convient à tous ceux qui ne souffrent d’un déséquilibre Vata. Les « pains » conseillés par l’Ayurvéda sont faits sur le champ pour être consommés sur le champ. Le chapati est le plus approprié. Il peut être consommé sur une base quotidienne, encore que les puristes préfèrent ne consommer tout produit à base de blé qu’en automne, pendant la période de sa récolte, et ainsi qu’en hiver. Le puri, obtenu par friture de la pâte, ne convient ni aux constitutions Kapha ni à tous ceux qui ont un feu digestif faible. Pareil pour la paratha, sorte de galette obtenue à partir d’une pâte richement feuilletée au ghee.
Bien sûr, les conditions mises par l’Ayurvéda pour manger du pain sont particulièrement restrictives pour un pays comme la France qui a une tradition qui remonte quasiment aux origines du christianisme. Pour de nombreuses religions, le pain est un aliment sacré. A ce titre, il fait l’objet de prières avant le repas. Le premier pain de l’humanité remonterait selon certaines sources à plus de 10.000 ans. Les hommes avaient, dit-on, l’habitude de faire une galette à base de grains de blé pilés et d’eau qu’ils cuisaient sur une pierre chaude. Un jour, la galette ne fut pas cuite et ce qui devait arriver arriva…la pâte fermenta ! C’est ainsi que naquit le pain. Le blé est riche en amidon et en gluten, responsable de la levée de la pâte. Des céréales comme le seigle, l’orge, le sarrasin ou l’avoine ne sont pas panifiables, du moins en l’état. Aujourd’hui, les boulangers proposent différentes formes de pains aux ajouts nombreux et variés, noix, graines de lin, autres céréales, son, etc. Même si la consommation de pain a fortement baissé en France, passant de 800 grammes au début du XXe siècle à 130 grammes aujourd’hui, 95% des français mangent du pain au moins une fois par jour selon une étude OpinionWay. Malgré ce désamour, le pain reste un symbole important de la gastronomie française, au même titre que le vin et le fromage. Bien sûr, la mécanisation, l’industrialisation, l’usage croissant d’additifs permettant une pousse et une cuisson plus rapides du blé ont nui gravement à sa qualité. L’allergie au gluten a fait son apparition dans les années 60 avec les premiers blés hybridés alors que le pain blanc insipide et standardisé a envahi les stalles des supermarchés. Seule la consommation de pain bio est en hausse.
Blé complet ou pas, en raison de la transformation de l’amidon au contact de la salive et des sucs digestifs, le pain se transforme rapidement en glucose dans l’intestin, faisant monter le taux de sucre dans le sang. Les nutritionnistes considèrent le pain comme un aliment riche en calories. Avec la consommation régulière, le taux d’insuline augmente et, avec lui, l’inévitable stockage de mauvaises graisses. Quant au gluten, il peut endommager la paroi de l’intestin et provoquer une inflammation chronique. Pas étonnant que de nombreuses personnes soucieuses de leur santé se tournent vers des produits sans gluten afin d’améliorer leur santé. Certains scientifiques estiment que l’homme n’a pas développé les enzymes nécessaires pour digérer toutes les protéines contenues dans le blé. Qu’en est-il vraiment? Ce qui est sûr, c’est que les « blés modernes »[1] ont aggravé la situation. Jusque là, les espèces sélectionnées après croisement étaient celles qui résistaient aux intempéries tout en produisant de beaux épis. Les industriels ont vite compris que leur intérêt était de sélectionner des espèces de blés beaucoup plus riches en gluten, plus facile à panifier et donnant un pain gonflé d’air, croustillant, mais finalement peu nourrissant. Ces blés ont permis l’explosion de la viennoiserie qui envahit aussi bien les centres commerciaux que les supermarchés.
Le blé moderne contient de nombreuses protéines nouvelles, dont beaucoup sont difficiles à digérer. Il provoque des problèmes digestifs, des réactions d’intolérance et d’hypersensibilité. Les spécialistes estiment que 80% de la population serait intolérante à de tels blés. Ce qui est sûr, c’est que l’intoxication au gluten est plus répandue qu’on ne le pense. Plusieurs études ont montré que les protéines du gluten non digérées irritent l’intestin, au point d’enflammer et séparer les villosités intestinales. Ce gluten et sa cohorte de protéines non digérées rejoignent la circulation lymphatique autour du tube digestif. D’où ballonnements, constipation, maux de tête, insomnies, fatigue, os fragiles, etc., quelques uns des symptômes de la consommation de pain et autres sous produits du blé moderne, y compris les pâtes. Les toutes dernières recherches en la matière[2] semblent indiquer que certains microbes intestinaux sont capables de décomposer le gluten dans l’intestin. En clair, une personne en bonne santé – et ne souffrant pas de la maladie cœliaque – serait donc en capacité de digérer le gluten. Dans les faits, il en va autrement. A cause de toutes sortes de pollutions alimentaires, d’antibiotiques ou de stress, les microbes nécessaires pour digérer le gluten ne sont plus présents dans l’intestin. Le gluten non digéré produit alors de la zonuline, substance qui augmente la perméabilité intestinale de manière excessive[3].
D’autres recherches[4] affirment pour leur part que le gluten reste néanmoins toxique car ses protéines résistent à la plupart des enzymes pancréatiques et duodénaux. En l’absence de messages clairs de la science moderne et compte tenu des restrictions de l’Ayurvéda, le plus simple est de rompre avec le pain, ce qui est loin d’être facile tant le pain a acquis une place indispensable dans notre alimentation. Ceux qui veulent continuer à en consommer devront veiller à améliorer la santé de leur intestin, à augmenter leur feu digestif, à éviter le stress et à mener une chasse régulière contre ama, et ce, même s’ils consomment du pain bio. Ce conseil vaut aussi pour les pains de l’Ayurvéda faits avec les farines issues du blé moderne. Il est toujours préférable d’utiliser des farines bio en attendant mieux (voir à ce sujet http://la-voie-de-l-ayurveda.com/layurveda-insiste-a-juste-raison-sur-la-qualite-des-aliments/).
Passons à présent aux recettes. Le chapati est fait à base d’une pâte non levée. Il est plus consommé en Inde du Nord qu’en Inde du Sud. Bien sûr, il existe de nombreuses variétés de chapatis. Dans le Kerala, par exemple, la farine de blé est mélangée à de la farine de pois chiche. La recette de base est la suivante. Pour environ six chapatis, prendre 120 grammes de farine complète bio, une demi cuillère à café de sel et de l’eau tiède. Pour rendre a pâte plus malléable, certains remplacent dans la recette 20 grammes de farine complète par 20 grammes de farine blanche. Placer la farine et le sel dans un bol afin de préparer la pâte. Verser progressivement l’eau tiède et mélanger jusqu’à obtenir une pâte souple. Pétrir la pâte avec les mains est important selon l’Ayurvéda. Les mixeurs sont déconseillés par le Docteur Raju car « ils impriment des vibrations violentes dans la pâte ». Laisser reposer la pâte une vingtaine de minutes puis la partager en six boules égales. Etaler une a une les boules au rouleau à pâtisserie sur une surface plane et sèche que vous aurez saupoudrée de farine. Ceci évite que la pâte ne colle sur la surface de travail. Vous obtenez alors une sorte de crêpe ronde que vous allez cuire au feu sur une poêle sèche. Déposez le chapati sur une poêle chaude et contrôlez la flamme de votre gazinière afin qu’il ne brûle pas. Retournez- le lorsque vous verrez des petits gonflements apparaître à sa surface. Faire cuire le chapati des deux côtés. Lorsqu’il est cuit, mettre le chapati directement sur la flamme afin de le faire gonfler, mais sans le brûler. Faites cette opération plusieurs fois. Le chapati est prêt à être consommé. On peut mettre une noix de ghee dessus. Ce processus peut sembler long et difficile. Il n’en est rien, c’est juste un coup de main à prendre.
La paratha est un chapati fait à la farine blanche bio et dont la pâte est feuilletée au ghee. La recette est donc la même jusqu’à l’obtention des boules de pâte. Etalez la pâte au rouleau sur une surface saupoudrée de farine. Badigeonner la moitié de la galette obtenue avec du ghee, puis pliez en deux afin de refermer la crêpe. Faire à l’aide du rouleau une nouvelle galette ronde. A nouveau, badigeonnez-en une moitié avec du ghee. Pliez encore en deux puis rouler à nouveau. La paratha peut être présentée sous forme de triangle ou de cercle. Il faut ensuite la cuire dans une poêle chaude. Quand elle commence à gonfler, il est possible de rajouter un peu de ghee. Laisser cuire quelques minutes de chaque côté. La paratha peut être consommée ainsi ou farcie aux légumes de son choix. Dans ce cas, il faut la laisser cuire plus longtemps.
Le puri est souvent servi les jours de fêtes. La recette comporte 100g de farine de blé complet, 20g de farine blanche, une demi cuillère à café de sel, une cuillère à soupe de ghee et 5 centilitres d’eau tiède. Le puri est généralement frit dans de l’huile chaude. Pour préparer la pâte, mettre la farine dans un saladier puis ajouter le ghee et le sel. Mélanger et ajouter l’eau tiède petit à petit en pétrissant afin d’obtenir une pâte dure. Badigeonner la pâte obtenue avec un peu de ghee. Celui-ci se dépose à la surface de la boule comme un film. Laisser reposer pendant une bonne demi-heure puis diviser la pâte en plusieurs petites boules. Rouler chaque boule à l’aide d’un rouleau. Aplatir le puri avec la paume de la main. Faire chauffer l’huile dans une poêle ou une friteuse et faire frire les puris. Les plonger dans l’huile chaude et appuyer dessus à l’aide d’une spatule en bois afin de les faire gonfler. Ensuite, les retirer et les égoutter sur une surface appropriée. Les puris sont prêts à être consommés.
Bon appétit !
Jo Cohen
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[1] Les variétés blés modernes créées dans les années 1970, Lerma Rojo 64, Siete Cerros, Sonora 64 ou Super X ont quarante-deux chromosomes contre quatorze précédemment.
[2] Caminero, A. (2014). FEMS Microbiology Ecology, 88 (2), 309-319.
[3] Fasano, A. (2011). Physiological reviews, 91(1), 151-175
[4] Mamone, G. (2007). Journal of Chromatography B, 855 (2), 236-241.
Bonjour JO
Ton article est très intéressant comme toujours. En effet il est difficile de rompre avec le pain.
Je le fais : j’utilise de la farine complète de blé, de riz, de coco (en bio) et je mélange ces farines avec de l’eau je ne mets pas de levain pour faire mon pain, j’y ajoute des graines de courge parfois.
est ce une bonne recette selon vous ? dois je alterner avec la recette de chapati que tu donnes ?
merci d’avance pour les réponses
amicalement
jacqueline
Bonjour Jacqueline
La recette que tu propose convient si tu fais ton pain au jour le jour. Le chapati est fait pour être consommé sur le champ. Peut être alterner…vois selon ce que ton corps dit.
Bonne journée
Jo
Bonjour,
Merci pour cet article très complet.
Je vous transmet les paroles de mon boulanger bio qui travaille à l’ancienne et au feu de bois : « Le levain naturel fait à la main est nettement meilleur que la levure déshydratée pour faire son pain. Le pétrissage doit se faire à la main et non en machine. Cette méthode de fabrication ancestrale demande plusieurs heures de préparation et aujourd’hui peu de boulangers s’y interressent (pour des raisons de rentabilité)
Il y a, dans cette fabrication, un intérêt gustatif, une conservation exceptionnelle (de 3 à 7 jours), un intérêt au niveau de la digestibilité et de l’assimilation, et une destruction partielle du gluten.
Enfin n’oublions pas que ce pain au levain constituait la seule base alimentaire de nos ancêtres, avant l’arrivée de la pomme de terre et du riz. »
Bien amicalement,
Bonsoir Sandrine,
Votre boulanger bio a raison. C’est ainsi que le pains était fait autrefois.
Le problème aujourd’hui est que les variétés de farines sélectionnées sont trop riches en gluten.
Si on a un bon feu digestif et pas d’inflammation avec le gluten, on peut prendre du pain et l’alléger encore en le toastant.
On peut aussi faire du chapati sans levain.
A chacun de voir ce qui convient à sa constitution et à son feu digestif.
Bien amicalement
Jo
Bonjour,
Personnellement, je croyais que la farine intégrale et la farine complète c’était la même chose. Est-ce que c’est possible de connaitre la différence entre les deux sortes?
Merci
Bonjour Yuri
Bonjour
Il n’est recommandé que le bio dans les deux cas.
La farine intégrale bio ne subit aucun tamisage alors que pour la farine complète bio on enlève une partie du son.
La farine intégrale bio est plus difficile à digérer.
L’Ayurvéda permet d’en consommer si vous avez un feu digestif puissant.
Sinon, prenez de la farine complète.
Cordialement
Jo
Merci
Votre réponse est utile et apprécié. J’en profite pour vous féliciter pour votre site qui est très enrichissant.
Merci encore!