Les recherches scientifiques les plus récentes confirment ce que l’Ayurvéda clame depuis la nuit des temps : que nos émotions sont aussi responsables de notre santé et pas seulement de notre santé mentale. Aussi, avant de s’occuper de soigner le corps, il importe de « nettoyer » le stress émotionnel car les émotions influencent chaque organe et chaque processus de la physiologie. La science moderne d’abord cherché le siège des émotions dans le cerveau limbique et dans les neurotransmetteurs et la chimie propre au cerveau. L’Ayurvéda a toujours considéré l’intestin – ce deuxième cerveau ainsi que l’appellent désormais les chercheurs – comme le siège de Vata et des émotions. Les recherches les plus récentes au sujet de ce deuxième cerveau[1] montrent que 95% de la sérotonine et de nombreux neurotransmetteurs contenus dans le corps sont fabriqués et stockés dans l’intestin. Seulement 5% de la sérotonine du corps se trouve dans le cerveau à un moment donné. Il est donc clair que nous manageons notre stress mental et émotionnel au travers du tube digestif, un constat confirmé par l’expérience, d’où l’expression « ça me prend aux tripes » ! Ce processus souligne aussi le lien entre émotion et nourriture.
La paroi de l’intestin contient plus de 100 millions de neurones qui « sentent » à travers les antennes ultrasensibles que sont les milliers de milliards de germes (ou bonnes bactéries) qui bordent la peau du tractus intestinal[2] et sont responsables de toutes les fonctions de la physiologie. Ces germes sont très sensibles au stress émotionnel. La recherche explique que lorsqu’un individu est en situation de stress, certains composés chimiques qui sont produits dans l’intestin modifient la flore intestinale et perturbent la production de neurotransmetteurs qui soutiennent l’humeur. Une étude réalisée à l’Université du Wisconsin et rapportée par le New York Times[3] montre que des souris enceintes soumises à plusieurs reprises à du stress pendant leur grossesse ont eu des bébés qui manquaient de lactobacilles et bifidobactéries, bactéries bénéfiques de intestin. Une autre étude a montré qu’une souris timide et peureuse devenait agressive lorsqu’on lui injectait la flore intestinale d’une souris agressive. Le stress émotionnel absorbe les bons germes de l’intestin, altérant notre capacité à produire des neurotransmetteurs sains, notamment au niveau du cerveau, si bien que le stress émotionnel pousse le mental et la physiologie à se conduire de façon plus agressive.
Résultat ? A mesure que nous perdons notre capacité à gérer le stress, nous créons des comportements protecteurs sur une base émotionnelle. Ces comportements remontent à la petite enfance lorsque nous avons appris à faire face au stress. Ce sont des réactions automatiques que nous continuons à renforcer en tant qu’adultes. Si nous nous trouvons face à une menace ou du stress émotionnel, cette réponse automatique va s’activer afin de nous protéger. Ces émotions à caractère répétitif sont stockées dans la physiologie dans des « molécules de l’émotion » transportées par de petites protéines appelés peptides. Les récepteurs de ces peptides transporteurs d’émotions sont concentrés dans les vastes réseaux d’information dans l’intestin, le cerveau, la peau, la colonne vertébrale et les voies respiratoires. Les peptides se fixent aux récepteurs dans ces zones, bloquant efficacement le flux de ces systèmes essentiels au corps. Ainsi, les vieilles émotions toxiques accumulées représentent une réelle menace pour notre santé[4]. Cette vision de la science moderne est en phase avec celle de l’Ayurvéda qui évoque l’accumulation dans les muscles et dans la graisse de l’« ama mental », constitué de vieilles émotions toxiques qui bloquent la communication et engendrent la maladie.
L’Ayurvéda aide le corps à fonctionner à partir d’un état d’équilibre en vue d’une guérison profonde. Une fois les vieux comportements éradiqués, le stress émotionnel qui encombre l’intestin et les bons germes se dissout. L’intestin retrouve alors sa capacité à digérer, à désintoxiquer, à fournir 80% de l’immunité de l’organisme et à favoriser la prolifération d’une microbiologie diversifiée! Prenons un exemple concret. Comme les enfants, les adultes cherchent à obtenir l’approbation, l’attention et la protection des parents. Cette quête est vitale pour un enfant. Dans le règne animal, arrive le moment où le jeune lion sait qu’il est temps pour lui de rompre les liens avec ses parents afin d’être libre. L’être humain tend à remplacer l’attention parentale par d’autres stimuli comme celui de la dopamine qui apporte un sentiment de satisfaction et de sécurité en consommant du café, du chocolat noir, de l’alcool, des drogues, en faisant du shopping, en gagnant de l’argent, en ayant du succès, etc. Bien que la protection recherchée par l’enfant ne soit que temporaire, son impact est toujours présent. Un enfant qui ne s’est jamais senti totalement aimé par ses parents, à cause d’un frère qu’ils semblaient aimer davantage que lui, aura tendance à tout faire pour plaire à ses parents afin de regagner leur amour. Devenu adulte, il travaillera 24×24/7×7 pour plaire à ses supérieurs sans trouver de réelle satisfaction, voire une profonde frustration résultant du sentiment de tout donner et de ne rien obtenir en retour. Ce ressentiment va absorber les bons germes et les neurotransmetteurs de son intestin, rendant de plus en plus difficile la capacité à faire face aux nombreux stress de la vie.
Pour changer ces comportements, il faut avoir à l’esprit que les molécules des émotions ne sont pas stockées dans le mental, mais dans les cellules adipeuses du corps! Tous les programmes de désintoxication de l’Ayurvéda, y compris le Panchakarma, aident la physiologie à mieux brûler les graisses. Ils constituent à ce titre un premier niveau de réponse afin de libérer les émotions stockées dans les cellules adipeuses. Une prise de conscience des habitudes dont nous voulons nous libérer afin de ne plus les répéter par habitude est également nécessaire. Elle constitue le second niveau de réponse. La méditation aide dans une large mesure à effectuer ce travail. L’Aromathérapie aussi car les sens du goût et de l’odorat sont connectés au centre émotionnel du cerveau, situé dans l’amygdale. Comme la madeleine de Proust, sentir un parfum peut nous rappeler un souvenir d’enfance. Plusieurs recherches ont étudié la connexion entre le parfum et l’émotion. Le sens de l’odorat, qui intervient également dans ce que nous goûtons, peut reconnaître plus de mille milliards de tonalités différentes[5] de parfums alors que jusque là, les scientifiques étaient convaincus qu’il ne pouvait distinguer plus de 10.000 odeurs.
Chacun de ces milliers de milliards de parfums est traité au niveau du cortex du cerveau émotionnel. Chaque parfum et chaque goût peuvent véhiculer un souvenir ou un sentiment chargé d’émotion qui peut déterminer nos préférences alimentaires. C’est pourquoi nous sommes si émotionnellement attachés à certaines nourritures. Selon l’Ayurvéda, la nourriture est chargée émotionnellement par la façon dont elle a été cultivée, récoltée, cuite et mangée. L’action de manger est une communion entre l’intelligence de la nature et l’intelligence humaine par le biais des sens. Idéalement, la nourriture devrait être cultivée consciemment, récoltée à maturité, préparée dans une atmosphère harmonieuse et mangée avec conscience. Ce processus en séquence est appelé sattva. C’est un état de paix intérieure à partir duquel ces actions sont effectuées. Sous l’effet du stress, le cerveau ne retient que certains aliments de confort en tant que modulateurs émotionnels, faisant de la plupart d’entre nous de « mangeurs émotionnels ». L’état naturel de paix et de calme, véritable source de joie, fait alors place à une stimulation sensorielle d’aliments chargés émotionnellement. C’est pourquoi l’Ayurvéda insiste tant sur l’importance de cultiver sattva dans notre vie (voir à ce sujet http://la-voie-de-l-ayurveda.com/mettez-plus-de-joie-dans-votre-vie-en-developpant-votre-sattva/). Stress et sattva apparaissent donc comme deux expériences opposées. Le stress tue les bons germes de l’intestin alors qu’un mode de vie sattvique tend à les favoriser. Bons ou mauvais, ils régissent nos humeurs. C’est pourquoi l’Ayurvéda rappelle qu’un mode de vie sattvique doit inclure la gestion des émotions pendant le repas.
L’Ayurvéda Maharishi propose différentes pratiques afin de développer le sattva dans notre vie : pratiquer la méditation transcendantale 20 minutes deux fois par jour, aller au lit avant 22H00 et obtenir suffisamment de repos, point essentiel pour la santé émotionnelle, se réveiller avec le soleil levant afin de prévenir la dépression, faire un massage à l’huile de sésame afin d’apaiser les émotions, marcher au soleil levant pour faire passer les émotions et les hormones bloquées hors du corps, aller à la selle chaque matin pour dégager les humeurs ou encore manger des aliments biologiques pour favoriser ojas qui crée le bonheur et stabilise les émotions. L’usage des épices favorise aussi l’équilibre émotionnel. Il est conseillé de ne pas augmenter Kapha afin d’alléger les émotions. L’été, favorable aux coups de colère, il est recommandé de prendre du lassi au cumin ou du babeurre (buttermilk) frais afin de restaurer les germes bénéfiques dans le tractus intestinal. L’Ayurvéda Maharishi recommande en outre l’usage des Rasayanas qui sont des élixirs pour le bonheur et le rajeunissement (Amrit Kalash Maharishi, Chyawanprash, etc.).
Jo Cohen
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[1] Lire à ce sujet The Second Brain,
[2] Pollan M. Cooked. A natural History of Transformation. Penguin Group NY. 2013
[3] http://www.nytimes.com/2013/05/19/magazine/say-hello-to-the-100-trillion-bacteria-that-make-up-your-microbiome.html?pagewanted=all&_r=0
[4] Molecules of Emotion,. 1997. Simon and Schuster
[5] Nature Neuroscience 7, 337 – 338 (2004).
Bonjour et merci pour vos articles très accessibles et intéressants. J’ai une question concernant les troubles intestinaux et triphala. Après la prise du triphala pendant 2 mois j’ai eu de nombreuses attirances pour la nourriture lourde et sucrée, plutôt Kapha visiblement. Je sens une gêne au foie et j’ai faim même si mon estomac est plein. Aussi digestion sensible et beaucoup d’air. Émotions aussi comme irritation, inquiétude, agitation mentale. Avez-vous une recommandation ? (j’ai cessé triphala depuis 2 semaines). J’ignore si je dois reprendre Triphala.
Bonjour Cécile,
La question est complexe. Le Triphala n’est pas en cause. Le mieux serait de consulter un professionnel qui puisse prendre votre pouls et vous faire une recommandation afin de restaurer l’équilibre de vos doshas qui semblent tous déséquilibrés. Cordialement.
Jo
Bonjour Jo
Cette article va m’être d’une forte utilité merci. Sinon pour désintoxiquer le corps la mini cure ayurvédique que tu propose est-elle suffisante? Ou bien un panchakarma s’impose ?
Amitiés.
Bonjour Ludovic, le Panchakarma est le plus puissant, aucun doute à ce sujet…Bon dimanche, Jo
J’ai une autre question qui m’est venu à l’esprit. Puisque les 40 aspects of véda, agissent sur tous les organes, l’écoute de ce chant peut donc aider à rétablir l’équilibre dans le deuxième cerveau ?
Bon dimanche également.
Bonjour JO
Encore un article très intéressant. Même si j’avais déjà lu que notre intestin est notre deuxième cerveau, j’ai tendance à l’oublier comme parfois quand je mange, je ne prends pas forcément conscience de ce que je mange, je parle (et il vaut mieux ne pas parler quand on mange). Je vais relire l’article sur développer notre sattva.
merci pour tous tes articles très accessibles
bon dimanche
amicalement
Jacqueline
Rebonjour JO
J’ai lu l’article sur développer son sattva et fais le test en fin d’article
Eh bien j’ai plus de Rajas que de Sattva, mais je n’ai pas de Tamas
J’ai donc intérêt de développer mon Sattva avec les conseils que tu donnes, n’est ce pas ?
Jacqueline
Un article reussi!