Dans nos sociétés occidentales, la performance marque de son sceau la plupart de nos activités. L’exercice physique n’y échappe pas si l’on en juge par la popularité croissante des sports extrêmes. Le jogging – cette bonne vieille « course à pied » – y figure en bonne position. S’il vous arrive de courir en ville ou dans les bois, vous risquez de rencontrer de nombreuses personnes qui courent en respirant bruyamment par la bouche. Peut-être cherchent-elles une quelconque performance ou préparent-elle le marathon de Paris ou de New York? Un autre constat ne vous aura pas échappé : nombre de personnes courent à toute heure de la journée, y compris le soir, tant elles sont convaincues que leur pratique est bénéfique pour leur santé, voire qu’elles vont perdre du poids si tel est leur objectif. Les dernières recherches à ce sujet montrent qu’il n’en est rien. En effet, la revue médicale Heart[1] fait état d’une recherche montrant qu’il existe un lien entre l’exercice physique intense et le risque accru de fibrillation auriculaire[2]. Les habitudes de 44.410 hommes âgés de 45 et 79 ont été analysées en rapport avec leur pratique de l’exercice physique sur une période de 12 ans. Leur historique d’exercice à 15 ans, 30 ans et 50 ans a été également pris en compte. Résultats ? Ceux qui pratiquaient de manière intense à 30 ans, c’est-à-dire plus de cinq heures par semaine, sont 19% plus susceptibles d’avoir un rythme cardiaque irrégulier à 60 ans par rapport à ceux qui faisaient moins d’une heure d’exercice physique par semaine à 30 ans. Ceux qui ont pratiqué cinq heures ou plus par semaine à 30 ans, mais ne font plus qu’une heure par semaine à l’âge de 60 ans, ont un risque de développer une fibrillation auriculaire accru de 49% ! Les personnes âgées de 60 ans ayant fait de l’exercice avec modération dans leur jeunesse sont 13% de moins susceptibles de développer une fibrillation auriculaire.
Depuis le milieu des années 80, nombre de joggers sont fascinés par les expériences de « flow »[3] rapportées par le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi. Il s’agit d’un état mental – appelé aussi « zone » – dans lequel le jogger ressent un sentiment d’extase avec un haut niveau de bien être physique sans aucune fatigue pendant qu’il coure. La perception qu’il a du temps s’en trouve modifiée. Avec d’autres psychologues, Mihaly Csikszentmihalyi a cherché à affiner le modèle de compréhension du « flow », notamment ses conditions d’apparition et ses caractéristiques. Le cerveau d’une personne en état de « flow » montre une forte capacité d’attention sans effort et sans stress. Et, ce qui n’étonnera personne, les joggers sont prêts à tous les excès pour atteindre cet état. L’approche modérée de l’exercice physique recommandée par l’Ayurvéda est certainement plus à même de conduire à de telles expériences comme nous allons le voir dans un instant. Car, en forçant- ce que le font la plupart des joggers qui respirent par la bouche – le corps se trouve en état de stress avec une activation intense du système nerveux sympathique. On constate alors que le cerveau fonctionne avec une dominante d’ondes cérébrales de type bêta peu cohérentes. Le taux de radicaux libres augmente aussi, ce qui accélère le vieillissement de la physiologie. Le taux de cortisol, l’hormone du stress, augmente, poussant l’organisme à compenser en mangeant plus.
Pour sa part, la respiration nasale[4] pendant l’exercice physique, technique préconisée par l’Ayurvéda, permet de mieux bénéficier des effets positifs de l’exercice physique. L’activité du système nerveux parasympathique prédomine, signe que l’activité s’exerce dans un contexte de relaxation. Les analyses EEG effectuées par le Dr. Fred Travis[5] et son équipe montrent que la respiration par le nez favorise un fonctionnement du cerveau plus cohérent, avec une augmentation significative des ondes de type alpha, révélatrices d’un état de relaxation qui se maintient malgré l’activité physique. Par ailleurs, si l’exercice physique est pratiqué le matin à jeun, ce que conseille également l’Ayurvéda, La recherche scientifique[6] montre que la quantité de graisse brûlée est plus importante, 67% contre 50% après avoir mangé, un point connu de nombreux clubs de sports.
C’est en 1996 que l’International Journal of Neuroscience a publié une étude sur les effets précis de la respiration nasale conseillée par l’Ayurvéda[7]. L’étude a comparé la respiration par la bouche à la respiration nasale sur des sujets pédalant sur un vélo d’exercice. Au niveau du rythme cardiaque, aucune différence significative de la fréquence entre les deux types de respiration n’est apparue pour des charges de travail équivalentes. En revanche, le nombre de respirations était systématiquement inférieur avec la respiration nasale. Pour un effort maximum de 200 watts de résistance sur le vélo, il y avait 14 respirations par minute pour la respiration nasale contre 48 respirations par minute pour la respiration par la bouche. L’effort perçu était significativement plus faible avec la respiration par le nez. Ce paramètre a été mesuré en attribuant une note sur une échelle de 1 à 10 (10 étant le plus stressant). Au cours de la respiration par la bouche, l’effort perçu est monté à 10 contre 4 pour la respiration nasale. Autre constat, en mesurant l’arythmie sinusale respiratoire, les chercheurs ont noté que l’activation du système nerveux parasympathique avait considérablement augmenté pendant la respiration par le nez. Quant à l’activité du système nerveux sympathique, elle était réduite avec la respiration nasale, ce qui suggère que l’individu a connu l’état de « flow » courant chez les grands athlètes. Alors que les études constatent que le cerveau devient plus incohérent pendant les périodes de stress et d’effort, cette étude a montré le contraire: une plus grande cohérence des ondes cérébrales de type alpha avec la respiration nasale, signe d’une profonde relaxation pendant l’exercice physique. Dernier paramètre étudié, celui de l’endurance. L’étude a montré qu’elle était significativement plus élevée avec la technique de la respiration du nez.
Si la respiration nasale est plus difficile que la respiration buccale au début, avec le temps et la pratique[8], elle permet un même niveau de performances athlétiques avec beaucoup moins d’efforts, moins de fatigue et surtout plus de bénéfices tangibles en termes de santé. En accord avec l’étude publiée dans la revue Heart, l’Ayurvéda considère que l’exercice excessif épuise la physiologie alors que le manque d’exercice favorise l’encombrement des doshas. L’exercice est essentiel pour déplacer le prana[9] dans chaque cellule du corps. Le bon équilibre en matière d’exercice est associé à une respiration confortable par le nez. Voici comment procéder. Commencez votre séance en marchant ou en pédalant lentement et en respirant profondément. Au fur et à mesure, expirez bruyamment en utilisant la technique du pranayama appelée « ujjayi » (voir à ce sujet http://la-voie-de-l-ayurveda.com/maitriser-la-respiration-ayurvedique-pendant-lexercice-en-quatre-etapes/). Cette expiration nasale resserre légèrement l’arrière de la gorge. Portez votre attention sur la légère pause qui sépare l’inhalation de l’expiration. Dans un second temps, marchez ou pédalez plus vite tout en continuant à porter votre attention sur l’espace entre chaque respiration. A mesure que le rythme s’accélère, essayez de maintenir l’espace entre chaque respiration. Si l’espace se réduit et que vous avez besoin de respirer plus vite, c’est que vous allez trop vite. Ralentissez afin de revenir à un rythme confortable. Si votre attention reste focalisée sur l’espace entre vos respirations, vous augmentez la probabilité de tomber dans la « zone », le fameux « flow » du jogger. Cette expérience intervient lorsque la respiration devient plus longue, plus lente et plus profonde et que vous continuez à augmenter lentement l’effort, l’intensité ou la vitesse de l’exercice. Malgré la vitesse acquise, votre respiration nasale reste longue, lente et profonde.
Les scientifiques qui ont étudié la chimie du cerveau dans l’état de « flow » chez des athlètes de l’extrême ont constaté une dominante d’ondes alpha, révélatrices d’un état de calme. La respiration nasale produit la même expérience. Elle dirige l’air vers les lobes inférieurs des poumons, riches en récepteurs du système nerveux parasympathique, alors qu’avec la respiration par la bouche, l’air est dirigé vers les lobes supérieurs des poumons, riches en récepteurs du système nerveux sympathique. On sait que la peur active les lobes supérieurs où l’air reste bloqué alors que le calme active les lobes inférieurs des poumons. Ce calme est visible chez le bébé qui tête sa mère, inspirant et expirant par le nez. Avec l’expiration « ujjayi », les muscles de l’estomac se contractent sur la membrane du diaphragme puis sur le cœur. Le diaphragme opère alors un véritable massage cardiaque. La respiration nasale favorise simultanément le calme et le dynamisme, signe d’une coexistence des ondes alpha et béta au niveau du cerveau. La respiration nasale pousse l’air plus efficacement à travers le nez, les cloisons agissant comme des turbines conduisant l’air dans les lobes inférieurs des poumons, riches en oxygène. Ce mode respiratoire permet une meilleure élimination des déchets pendant l’exercice ainsi qu’une récupération plus rapide. Conclusion : la respiration nasale force la cage thoracique à devenir élastique, favorisant l’accès aux lobes inférieurs des poumons ainsi qu’une gestion plus efficace des déchets (notamment le dioxyde de carbone, CO2).
L’impact de l’exercice physique avec respiration par la bouche sur l’appétit a également fait l’objet de recherches. S’il supprime temporairement la faim, peu de temps après la phase de repos, il déclenche un puissant attrait pour des aliments de confort, c’est à dire riches en graisses, en sucres et en calories. Cette faim est une réponse à l’insuline induite par la montée du stress et l’hormone qui lui est associée, le cortisol. L’insuline véhicule le sucre dans les muscles pendant l’exercice. L’insuline comme le cortisol ont la propriété de stocker le sucre non utilisé sous forme de graisse viscérale plutôt que de graisse sous-cutanée. Ainsi, le corps est quatre fois plus susceptible de stocker la graisse autour du ventre que partout ailleurs! Avec l’accroissement du niveau de stress, la production de leptine, l’hormone de la satiété est inhibée alors que l’hormone de la faim, la « ghréline », est fortement stimulée. Résultat : lors d’un exercice long et difficile, durant lequel vous espérez brûler un maximum de graisse ventrale, ces deux hormones vont stimuler votre faim pour des aliments de confort riches en calories juste après l’effort. Rien de tout cela n’arrive avec la respiration par le nez. Elle indique à la physiologie qu’elle n’est pas en situation d’urgence et qu’elle peut continuer à courir en état de calme. La faim après ce type d’exercice physique ne pousse pas vers des aliments riches en graisses, en sucre ou en calories.
Arrivé à ce stade de maîtrise de la respiration nasale, vous souhaitez peut être aller plus loin, devenir un athlète accompli car votre âge le permet, ou plus simplement développer vos performances. C’est possible…et toujours avec un minimum d’effort. Comment ? En faisant appel à la visualisation mentale associée à la méditation transcendantale. La recherche nous apprend en effet que ce que l’on imagine devient réel. Ainsi, lors d’une première expérience[10], un groupe d’athlètes du trampoline a alterné la pratique physique d’une séquence spécifique de mouvements à la visualisation mentale de cette même séquence. Un groupe de contrôle a travaillé le même temps sur la même séquence de mouvements, mais remplacé la visualisation par l’exécution d’une tâche mentale non liée au trampoline. Les athlètes du premier groupe ont amélioré leurs performances de manière significative par rapport au groupe de contrôle. Ce résultat indique que lorsque le corps a besoin de repos, il est possible travailler sur le perfectionnement de vos mouvements « de l’intérieur »! Une autre étude publiée dans la revue Neuropsychologia[11] a comparé les changements intervenus dans la force musculaire chez des personnes qui suivaient (a) un entrainement physique pour développer un muscle spécifique, (b) un programme mental pour développer ce même muscle, (c) ou ne faisant ni l’un ni l’autre. Après 12 semaines de pratique, l’étude a montré que la force musculaire du groupe (a) avait augmenté de 53%, celle du groupe (b) qui n’avait suivi aucun entrainement physique avait tout de même augmenté de 13,5% alors que dans le groupe (c), aucune amélioration n’a été constatée. Une étude sur l’activité cérébrale d’athlètes de haut niveau[12] a révélé que leur succès pouvait être attribué à un niveau élevé d’intégration du cerveau, du développement personnel et moral ainsi que de la capacité à avoir des expériences de pointe. La recherche indique aussi que la méditation transcendantale est la clé pour accéder à ce potentiel, car la pratique de cette méditation favorise l’intégration du cerveau, la stabilité émotionnelle et la diminution de l’anxiété lors de l’exécution d’exercices difficiles.
Jo Cohen
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[1] Heart doi:10.1136/heartjnl-2014-305780, Exercise and the heart: unmasking Mr Hyde Heart
[2] Rythme cardiaque irrégulier.
[3] Ce terme signifie flux en anglais. Il évoque un état mental de grande fluidité.
[4] Inspiration et expiration se font exclusivement par le nez.
[5] Travis, Douillard et al. http://informahealthcare.com /doi/abs/10.3109/00207459608986691
[6] Medicine & Science in Sports and Exercise, Wilcox, Harford and Wedel, Kansas State University (17) 2, 1985.
[7] International Journal of Neuroscience, 1996, Vol. 85, No. 3-4 , Pages 301-308, Frederick Travis, Karen Blasdell, Robert Liptak, Stuart Zisman, Ken Daley, and John Douillard, Maharishi University of Management, Ayur Ved Clinic, Lancaster MA.
[8] Sur le terrain, il suffit de deux ou trois semaines de pratique pour maîtriser la respiration nasale.
[9] Le prana, littéralement le souffle, signifie aussi la force de vie.
[10] Isaac, A. (1997). “Mental Practice – Does it Work in the Field?”The Sport Psychologist, 6, 192-198.
[11] Ranganathan, V.K., et al. (2004) “From mental power to muscle power—gaining strength by using the mind”. Neuropsychologia, 42 (2), 944–956.
[12] Fisher, C. (2012). “High Brain Integration Underlies Winning Performances of World Class Athletes”. BMED Report
Bonjour JO
merci pour cet article, je marche régulièrement par contre je ne cours pas
je peux pratiquer la respiration nasale en faisant la marche également, elle ne s’adresse pas qu’aux joggers.
dans la relaxation, dans la méditation il vaut mieux pratiquer aussi la respiration nasale ?
merci pour la réponse et bon dimanche
amicalement
Jacqueline