C’est entendu, l’adolescence n’est pas une maladie. Pourtant, les statistiques sont formelles : le mal être psychique touche en moyenne un adolescent sur quatre en France, une épidémie silencieuse que les chercheurs attribuent au « choc de la modernité ». Sommet de cet iceberg de souffrance, le taux de suicides des jeunes est passé en quelques années de 8000 à 11000 par an sans que les pouvoirs publics ne se mobilisent pour en faire une cause nationale, comme ce fut le cas pour les accidents de la route. Pour le psychiatre et docteur en neurosciences David Gourion, auteur du livre « La fragilité psychique des jeunes adultes »[1], cette souffrance psychique des jeunes n’est pas tellement prise au sérieux dans notre pays. Et de rappeler que le suicide est devenu la première cause de mortalité chez les jeunes, avec les accidents de la route. Phénomène récent selon les spécialistes, cette fragilité est indissociable d’une société où le chômage de masse est un acquis alors que la pression autour des études et la course à la réussite sont toujours présentes. A ces facteurs s’ajoutent l’usage généralisé de substances toxiques (cannabis, alcool, etc.) et les effets également néfastes de technologies dont le mauvais usage contrecarre une bonne hygiène de vie. Au chapitre des facteurs personnels de ce mal être, il faut citer la vulnérabilité émotionnelle, laquelle toucherait près de 30% des jeunes.
Dans son ouvrage, David Gourion dresse une longue liste des multiples causes à l’origine de ce mal être : désynchronisation du rythme veille/sommeil, diminution du temps de sommeil, alimentation trop riche en graisses et sucres et pauvre en nutriments, activité physique très insuffisante, exposition à la lumière du jour insuffisante, prédominance de la vie virtuelle, source de cyber addictions, difficultés relatives à la sexualité, peur des MST et du sida, etc. En 2015, les jeunes vivent dans un monde qui n’a plus rien à voir avec celui qu’ont connu leurs parents au même âge. Fait majeur, la conjonction de tous ces facteurs intervient à une période de la vie où le cerveau de l’adolescent est encore en construction. David Gourion estime que le premier marqueur de ce mal être psychique est le dérèglement du sommeil. 50 à 70% des jeunes ne dormiraient pas suffisamment. La baisse soudaine des résultats scolaires est un autre marqueur. Dans sa pratique, le psychiatre obtient des améliorations sensibles en préconisant aux jeunes qui le consultent de bonnes habitudes de sommeil, un usage modéré des réseaux sociaux, une alimentation plus équilibrée, une réduction des substances toxiques et des excitants (café, boissons énergisantes, etc.)…ainsi qu’un contrôle des émotions par la pratique du Yoga et de la méditation de la pleine conscience. La recherche scientifique montre en effet que ces techniques préviennent l’anxiété et améliorent la qualité de vie. Ce traitement fonctionne d’autant mieux que ces nouvelles habitudes sont faciles à prendre. « Lorsqu’on est jeune, on peut aller très mal, mais c’est aussi une période où les choses sont très dynamiques et peuvent évoluer très vite » précise encore David Gourion.
Apportant un éclairage complémentaire sur le sujet, le neuropsychologue[2] américain William Stixrud, Ph.D., s’est intéressé quarante années durant aux problèmes qui touchent les moins de trente ans, enfants, adolescents et adultes souffrant des problèmes émotionnels, sociaux ainsi que de problèmes d’apprentissage et d’attention. Ses travaux permettent de mieux comprendre le fonctionnement spécifique du cerveau de l’adolescent. Les statistiques qu’il a reconstituées depuis le début des années 1930 démontrent que les jeunes d’aujourd’hui sont cinq fois plus susceptibles d’avoir des troubles de l’anxiété ou de dépression que les jeunes ayant vécu lors de la Grande Dépression de 1929 ou pendant la Seconde Guerre mondiale. L’incroyable niveau de privation de sommeil et l’excès de stress seraient à l’origine de ce constat selon l’expert américain. Que se passe-t-il exactement dans le cerveau d’un adolescent lorsqu’il est stressé? Comme pour un adulte, l’amygdale, la partie du cerveau qui détecte toute menace, s’active. Elle est sensible au contexte émotionnel, notamment aux émotions comme la peur ou la colère. Lorsque l’amygdale détecte une menace, qu’elle soit réelle ou non, elle déclenche dans l’organisme une réponse spécifique préparant à la lutte ou la fuite. Ce mécanisme de survie est essentiel en cas de danger. Afin d’empêcher l’amygdale de rester en état d’activation, le cortex préfrontal[3] reprend rapidement le contrôle. Il évalue la situation et, une fois le danger passé, calme l’amygdale, l’hormone du stress retrouvant alors son niveau normal. Ce mécanisme complexe ne fonctionne que lorsque le cortex préfrontal est assez fort. Lorsque le cortex préfrontal n’est pas en mesure de jouer ce rôle, c’est l’amygdale qui garde la main dans la régulation du cerveau. Or, c’est sur ce point précis que le cerveau de l’adolescent diffère du cerveau de l’adulte. Les neurosciences montrent en effet que le développement du cortex préfrontal est progressif.
Concrètement parlant, les fonctions cognitives du cortex préfrontal n’atteignent la maturité que vers 25 ans alors que les fonctions de régulation émotionnelle ne sont matures que vers 32 ans. Bien que pas tout à fait mature, le cerveau de l’adolescent est en revanche incroyablement puissant, créatif et adaptatif. Le jeune veut explorer, prendre des risques et aller voir ce qu’il y a de l’autre côté de la montagne. Ayant eu l’occasion de discuter avec le chanteur Bob Dylan, William Stixrud lui demande s’il est encore capable d’écrire le genre de chansons qu’il écrivait dans sa jeunesse. La réponse du chanteur est instructive : « Vous plaisantez? Ces chansons provenaient d’un cerveau d’adolescent, et donc d’un cerveau n’ayant pas atteint la pleine maturité ». D’où la question : comment créer les conditions optimales pour le développement du cerveau de l’adolescent ? Le premier point consiste à diminuer le stress car ses effets à long termes affectent le développement du cerveau de l’adolescent. William Stixrud estime qu’avec le niveau élevé de stress de nos sociétés, le cortex préfrontal des jeunes pourrait ne pas se développer correctement. L’excès de stress perturbe la capacité d’apprentissage de l’adolescent. Son attention a du mal à rester focalisée. A l’inverse, la relaxation favorise l’apprentissage, la vigilance permettant alors d’être alerte et concentré. Voilà pourquoi William Stixrud recommande d’enseigner aux jeunes les techniques qui aident à renforcer le cortex préfrontal et devenir ainsi plus tolérants au stress. C’est selon lui la meilleure stratégie pour les protéger dans la société actuelle. Parmi les pratiques qu’il recommande figurent la méditation de la pleine conscience, mais surtout la méditation transcendantale dont de nombreuses recherches ont montré qu’elle renforce le cortex préfrontal et régule le fonctionnement de l’amygdale du cerveau.
Une autre différence caractérise le cerveau de l’adolescent selon William Stixrud : ce sont les changements qui interviennent dans le système de récompense[4] qui envoie la dopamine au reste du cerveau. Ce neurotransmetteur fonctionne tel un tableau de commande de l’énergie dans le cerveau. La dopamine est produite dans notre cerveau lorsque nous sommes excités par un sujet donné ou lorsque nous sommes motivés à propos de quelque chose. Lorsque nous anticipons quelque chose de bien, nous produisons plus de dopamine. Chez l’adolescent, en réponse à tout ce qui lui est agréable, les niveaux de dopamine sont particulièrement élevés. Ainsi, un adolescent impliqué dans un jeu où il gagne de l’argent connaîtra d’énormes pics de dopamine par rapport un adulte dans la même situation. Et ce qui lui est le plus gratifiant, c’est la compagnie d’autres adolescents. Les adolescents aiment passer plus de temps avec d’autres adolescents. Ils rient ensemble plus fort que des adultes. Leur vie est plus excitante à certains égards, même si elle est plus difficile à d’autres.
Le fonctionnement spécifique du cerveau de l’adolescent explique pourquoi il peut réagir de manière impulsive ou encore sombrer plus facilement dans la toxicomanie. Pourtant, ces inconvénients sont aussi des avantages que met en pratique la Fondation David Lynch. Crée par le cinéaste américain David Lynch, cette fondation rend la méditation transcendantale accessible aux enfants scolarisés des quartiers défavorisés dans le monde entier. Les enfants méditent plus facilement lorsqu’ils le font ensemble. Pareil pour les adolescents, ils n’aiment pas faire des choses que les autres ne font pas. Grâce au travail de la fondation, plus d’un million d’enfants ont appris cette technique qu’ils pratiquent en classe dans le cadre du « Quiet Time ». Les recherches sur le sujet montrent des améliorations dans tous les domaines de leur vie. William Stixrud rappelle que la méditation transcendantale augmente la cohérence dans le fonctionnement du cerveau de l’adolescent, d’où une meilleure organisation de la pensée, une meilleure conscience des priorités et une compréhension plus large de tous les sujets. Les performances scolaires, l’intelligence non verbale et les fonctions exécutives s’améliorent aussi.
L’Ecole du Progrès de Bamoko (Mali), qui comprend tous les niveaux scolaires, de la maternelle au niveau supérieur, a bénéficié du programme Quiet Time de la Fondation David Lynch. Des changements positifs sont intervenus dans toute l’école grâce à la pratique quotidienne de la méditation transcendantale par les enseignants, les administratifs et les élèves. « L’école ressemblait à un ring de boxe tant il y avait de bagarres quotidiennes. Les élèves n’apprenaient plus rien. L’atmosphère était devenue insupportable » rappelle Jean-Jacques Yém, administrateur général du Groupe Scolaire malien. Un professeur de méditation transcendantale est venu du Sénégal pour mettre en place le programme Quiet Time. Dès lors, l’atmosphère a commencé à changer. Les élèves qui ne voulaient pas suivre les cours ont commencé à suivre tous les cours, même ceux qu’ils n’aimaient pas . . . « Nous avons remarqué en outre beaucoup de solidarité entre les élèves. La méditation transcendantale est une renaissance individuelle, » ajoute Jean-Jacques Yém. « Personne ne devrait en être privé ».
Conclusion : nous avons tous un message à transmettre aux jeunes car nous avons tous des adolescents autour de nous. Leur mal être psychique peut être prévenu facilement en suivant la routine quotidienne prescrite par l’Ayurvéda et par la pratique de la méditation[5]. Les points critiques auxquels il faut prêter particulièrement attention sont les suivants : veiller à ce qu’ils se couchent avant 22 heures en coupant tous les écrans (tablettes, PC ou mobiles) avant 20 heures, qu’il fassent régulièrement de l’exercice physique, notamment en groupe et enfin que leur vie virtuelle ne réduise pas les relations réelles et les sorties avec les amis. La phase de sevrage des écrans après 20 heures est sans doute le plus délicat à négocier, mais c’est à ce prix que vous verrez refleurir la joie de vos adolescents. Le jeu en vaut la chandelle.
Jo Cohen
NB : Bonnes fêtes de fin d’année à tous les lecteurs du blog La Voie de l’Ayurvéda. Le prochain article paraîtra le dimanche 10 janvier 2016.
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[1] Ce livre est publié aux Editions Odile Jacob.
[2] Il dirige à Washington le Stixrud Group, un centre de neurophsychologie dédié aux moins de trente ans.
[3] Situé juste derrière le front, le cortex préfrontal gère toutes les fonctions cognitives supérieures (créativité, sens moral, croyances, etc.)..
[4] Ce système de récompense est enfoui au fond du cerveau.
[5] Le blog a traité en long et en large l’ensemble de ces sujets. Merci de vous y reporter pour plus de détails.
Bonjour JO
article très intéressant sur les adolescents. une période difficile pour certains d’entre eux dans la société d’aujourd’hui.
les conseils donnés (la routine quotidienne, l’activité physique, le sommeil, etc…) pour les adolescents feront sans doute des adultes plus posés, plus joyeux, etc…
A mon tour je te souhaite de belles fêtes de fin d’année, et à l’année prochaine pour lire de nouveaux articles sur le blog.
amitiés
Jacqueline
Merci pour cet article tout autant intéressant que les autres, je fais suivre comme d’habitude.
De belles fêtes de fin d’année, et à l’an 2016 !
Cordialement
Isabelle
Bonjour JO,
Bravo pour cette synthèse agréable à lire, néanmoins toujours difficile à appliquer ou à faire appliquer puisqu’il s’agit de changer soi.
Ce type d’article est d’une grande utilité.
Merci pour cette poublication.
Bonjour Jean Pierre
Merci pour tes encouragements.
Les habitudes de vie peuvent être changées facilement si on explique aux jeunes qu’ils vont retrouver la joie de vivre.
Le sevrage le plus délicat est celui de l’usage encadré des smartphones, car beaucoup d’ados les consultent la nuit sous la couverture…
Bonnes fêtes
Jo
Bonjour Jo
L’article est intéressant, mais malgré l’arrêt des nouvelles technologies après 20 heures, les ondes émisent vont perdurer dans l’atmosphère un bon moment il me semble ?
Cordialement.
Bonsoir Ludovic
Si on est en Wifi ou sur réseau mobile, il faut tout couper vers 20H. Le mental a alors le temps de s’apaiser.
Les effets de lumière bleue des écrans, qui ralentit la mélatonine et perturbe le sommeil, mettent une heure à s’estomper selon des recherches américaines.
Rien n’empêche d’arrêter les écrans avant 20H.
Cordialement
Jo
Très bien,
sinon que pensez- des orgonites censé lutter contre les pollutions électromagnétique ?
Bonsoir Ludovic
Je ne connais pas les orgonites.
Il faut se fier aux recherches scientifiques réalisées par des organismes publics indépendants.
Bonne année
Jo
Bonjour,
Merci infiniment pour vos articles à la fois simples à lire et d’une grande clarté, les 40 aspects du Védas à travers l’éclairage de Maharishi ! Quel plaisir pour l’intellect!. J’aimerai partager avec vous l’expérience de nos enfants que nous avons fait méditer ma fille à partir de 12 ans ( elle en a 19 ) et mon fils à partir de l’âge de 10 ans (17 ans ). Ils disposent d’une technique de relaxation très puissante qui leur permet de traverser les moments de stress intense pendant leurs examens même s’ils ne sont pas très assidus dans leur pratique, ils vivent leur vie d’ado et de jeune adulte sachant qu’ils ont cette possibilité de fermer les yeux et d’aller chercher à l’intérieur des ressources infinies.
Je vous souhaite une santé parfaite.
Bonne année 2016
Bonsoir Amina
Un grand merci pour votre témoignage et vos encouragements.
A mon tour de vous souhaiter une excellente année 2016.
Jo
C’est toujours étonnant de voir comment les choses se sont dégradées en moins d’ un siècle et cela à tant de niveaux…
C’est un fait qui me semble encore peu accepté même si des gens s’y mettent mais j’ai pu aussi constate que la méditation apporte une amélioration dans tous les domaines de la vie et que la pratique de la pleine conscience diminue le stress. Thich nhat hanh le dit ‘ la pleine conscience est une énergie que l’on doit générer’ et qui aide beaucoup dans la vie quotidienne. Merci et à bientôt.