Ceux d’entre vous qui ont lu la Caraka Samhita, le texte fondateur de l’Ayurvéda, savent qu’un chapitre entier est consacré à la consommation d’alcool, abordant ses bienfaits comme ses effets toxiques, ce qui semble donner un certain crédit à la formule “boire avec modération”. Depuis la Loi Evin, cette formule a fait son bonhomme de chemin. Elle est gravée dans le mental de chaque français. Toute publicité pour une boisson alcoolisée la mentionne afin de rappeler implicitement qu’avec modération, l’alcool ne présente pas de danger pour la santé. Par ailleurs, le corps médical rappelle à qui veut l’entendre, études a l’appui, que les tanins contenus dans le vin sont bons pour la santé du cœur. Jusqu’où ce discours est-il vraiment fondé ? Qu’est-ce que « boire modérément » ? Les questions sont d’importance puisque la France est longtemps restée en tête de l’Union européenne pour la consommation d’alcool. Heureusement, celle-ci a diminué régulièrement depuis 50 ans, passant de 26 à 12 litres d’alcool pur par an et par habitant de plus de 15 ans. Même si la France est devancée par les pays d’Europe orientale et centrale, elle reste parmi les plus gros consommateurs d’alcool[1] dans le monde. En moyenne, 13 % des Français en consomment chaque jour, 19 % chez les hommes et 7 % chez les femmes. 85 % boivent du vin, 63 % des spiritueux (vodka, pastis, whisky, planteur, etc.) et 60 % de la bière. En cinquante ans, l’alcool est passé de l’univers des repas à celui des loisirs. La consommation quotidienne est très rare chez les jeunes qui lui préfèrent le « beej drinking »! Autre statistique alarmante : 52 % des hommes et 20 % des femmes ont une consommation d’alcool jugée à risque.
L’impact de cette consommation sur la santé a fait l’objet de nombreuses estimations. Elle serait à l’origine de 13 % des décès chez les hommes et de 5 % chez les femmes. En 2009, l’Institut Gustave Roussy estimait que 49.000 décès étaient liés aux effets de l’alcool : 15.000 par cancer, 12.000 par maladies cardio-vasculaires, 8.000 par maladies digestives (cirrhoses, autres maladies du foie et du pancréas, etc.), 8.000 par causes externes (accidents de la route, suicides, etc.) et 3.000 par troubles mentaux ou du comportement. Ces chiffres donnent surtout un ordre de grandeur. Une autre estimation signée de l’Inserm via son CépiDc [2] fait état de 33.000 décès par an, tous âges confondus. L’OFDT [3] estime pour sa part que l’ensemble des maladies provoquées par la consommation d’alcool représentait 1,3 millions de séjours hospitaliers en 2003. Selon l’INPES [4], plus de 100.000 personnes consultent chaque année dans des centres spécialisés et plus de 50.000 auprès de la médecine de ville pour sevrage alcoolique. En marge des effets sur la santé, de nombreuses infractions à la loi sont commises sous l’influence de l’alcool : conduite en état d’ivresse, ivresse sur la voie publique, agressions, agressions sexuelles et homicides. Ces données rappellent que la consommation chronique d’alcool conduit à de graves problèmes de santé et désordres sociaux. Qu’en est-il de la consommation modérée d’alcool ? Les médecins sont divisés. Pour certains, une consommation modérée signifie moins d’un verre de vin par jour, tandis que pour d’autres, ce sont trois à quatre verres par jour. Les uns vantent les avantages du vin bu avec modération pour la santé, les autres affirmant qu’ils sont largement surévalués.
La Caraka Samhita introduit le sujet par une mise en garde sur les effets toxiques de la consommation d’alcool. Elle fixe ensuite un ensemble de règles extrêmement strictes qu’il faudra respecter pour consommer de l’alcool. Les premières concernent les conditions préalables, à savoir la purification (externe et interne), le type de vêtements qu’il convient de porter, le passage sous la douche et l’alimentation qui doit respecter la saison en cours. D’autres règles décrivent les contenants possibles dans lesquels l’alcool peut être servi ainsi que le type de nourriture à consommer avec. Suivent des règles strictes régissant les effets de la consommation d’alcool sur Vata, Pitta et Kapha afin que la personne puisse gérer les déséquilibres générés par l’alcool sur les trois doshas. Rappelons que l’alcool apporte chaleur, légèreté, subtilité, acidité, rugosité, sécheresse et qu’à ce titre, il perturbe les trois doshas. L’Ayurvéda précise que si vous n’avez pas préparé correctement votre physiologie à absorber de l’alcool, il faudra alors vous en abstenir totalement. Car, les effets de l’alcool, opposés à ceux d’Ojas, atteignent rapidement le cœur, détruisant les qualités de ce produit ultime de la digestion. Dans la foulée, la qualité de sattva – témoin de la pureté de l’esprit – est alors détruite, faisant place à une agitation puis une intoxication mentale, plus ou moins marquées selon la quantité d’alcool consommée. Le cœur n’est pas seul à souffrir des excès de l’alcool. A terme, tous les organes finissent par être touchés. Autre point important, le cerveau de l’adolescent en développement est particulièrement vulnérable aux effets toxiques de l’alcool.
Les méfaits de l’alcool sont reconnus par la science moderne. Elle a étudié le rôle précis de l’éthanol que l’on retrouve dans toutes les boissons alcoolisées. L’éthanol agit comme un dépresseur du système nerveux central avec des effets psychoactifs s’il est pris en petite quantité. Une fois dans la circulation sanguine, l’alcool peut diffuser dans presque tous les tissus biologiques de l’organisme [5]. A cause de sa capacité à modifier l’état de conscience, l’éthanol est classé parmi les drogues psychoactives. La consommation d’alcool à dose faible ou modérée agit principalement comme un modulateur du neurotransmetteur GABA [6]. L’activation des récepteurs de GABA provoque un état de relaxation, soulage l’anxiété et la douleur, augmente l’appétit, baisse les inhibitions et, chez certaines personnes, favorise un comportement violent. Les risques d’accoutumance ne doivent pas être négligés, même si la consommation reste modérée. L’Ayurvéda considère que l’alcool est un poison, sauf s’il est pris de la bonne manière, au bon moment et au bon endroit. Si les règles sont suivies strictement, l’alcool produira des effets bénéfiques. Sinon, ses effets seront désastreux.
Il existe une branche de l’Ayurvéda traitant de la préparation de vins médicinaux à base d’herbes. Connus sous le nom d’Arishtas, ces vins traitent de nombreuses maladies de la sphère digestive. Ils sont généralement délicieux[7] en termes de goût. Lorsqu’ils sont pris de manière appropriée, c’est-à-dire sous la direction d’un vaidya confirmé, ils donnent de bons résultats. La posologie moyenne est de 4 à 6 cuillères à café après les repas, ce qui fait à peine un doigt dans un verre à vin! Les vins rouges de nos régions consommés avec modération donnent des résultats plus controversés. Certaines études affirment que la consommation modérée de vin diminue le risque de décès par maladie cardiovasculaire, un résultat que certains détracteurs attribuent à d’autres facteurs, notamment la consommation de fruits et légumes et l’exercice physique. On attribue généralement les bienfaits du vin rouge[8] au resvératrol, polyphénol présent naturellement dans les raisins rouges et qui aurait des effets protecteurs sur les artères et contre le cancer. Depuis peu, les chercheurs doutent : ses effets protecteurs nécessiteraient plusieurs centaines de verres de vin par jour ! Quoiqu’il en soit, du point de vue de l’Ayurvéda, l’abus d’alcool affecte la paix de l’esprit, essentielle à la vie spirituelle. Voici ce qu’en dit en substance la Caraka Samhita : « Celui qui manque de jugement, qui est ignorant et déséquilibré, estime que l’alcool peut lui apporter le bonheur. En fait, cette personne perd le bonheur et la pureté de son esprit. Le mauvais usage de l’alcool provoque l’illusion, la peur, le chagrin, la colère, la maladie et la mort. Si la mémoire de notre vraie nature illimitée est altérée, s’en suivra la misère. Le sage, conscient de ces effets dévastateurs, évitera l’alcool ».
L’Ayurvéda Maharishi accorde la priorité au domaine de la conscience, champ dans lequel le Véda est structuré. La conscience est l’élément le plus fondamental dans la vie. Notre corps, notre comportement et notre environnement sont autant d’expressions de notre conscience. Toutes nos actions, nos paroles et notre comportement sont des fluctuations de la conscience. Le cerveau n’est que le réceptacle des expériences de la conscience. C’est pourquoi l’Ayurvéda Maharishi ne préconise que des substances participant à l’équilibre du cerveau. De ce point de vue, l’alcool, même avec modération, n’a pas sa place dans ces substances puisqu’il ne favorise pas le fonctionnement équilibré du cerveau. Beaucoup de gens boivent d’abord pour se détendre. Or, l’alcool est une drogue psychoactive capable de traverser la barrière hémato-encéphalique et d’agir sur le système nerveux central, jusqu’à transformer le fonctionnement du cerveau. Interviennent alors des changements dans la perception, l’humeur, la conscience, la cognition et le comportement. L’Ayurvéda Maharishi considère qu’il y a des choix plus sains pour se détendre et accéder au vrai bonheur à travers le développement de la conscience. Le programme de méditation transcendantale en est un. Il fait partie des programmes holistiques de prévention de l’Ayurvéda Maharishi. Leur but ? « Heyam Dhukam Anagatam » En clair : éviter le danger avant qu’il n’arrive !
Jo Cohen
– Si vous avez aimé cet article, merci de le recommander à vos amis en cliquant sur le logo de votre réseau social préféré (Facebook, Linkedin, Twitter, Google +).
– Vous pouvez aussi recommander l’ensemble du site à vos proches sur la page La Voie de l’Ayurvéda de Facebook afin de les faire bénéficier de cette précieuse connaissance. Je vous en remercie par avance.
– Vous pouvez laisser un commentaire.
– En vous inscrivant sur la liste La Voie de l’Ayurvéda, vous serez averti par email chaque fois qu’un nouvel article sera publié. En outre, vous recevrez en cadeau un livret de 40 pages expliquant les différentes étapes de la « Minicure Ayurvédique à domicile ».
[1] Palle C., Les ventes d’alcool en France, BEH, 7 mai 2013.
[2] Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès.
[3] Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies.
[4] Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.
[5] Les membranes cellulaires sont très perméables à l’alcool.
[6] GABA est un messager chimique très répandu dans le cerveau. Il a pour fonction naturelle de diminuer l’activité nerveuse des neurones sur lesquels il se fixe. Certains chercheurs pensent que le GABA servirait entre autre à contrôler la peur ou l’anxiété qui se manifeste par une surexcitation neuronale.
[7] Au niveau du goút, certains Arishtas font penser au Porto.
[8] De nombreuses études ont montré une corrélation entre la consommation de vin rouge et une réduction des décès dans certaines populations. En 1992, Serge Renaud et Michel de Lorgeril ont publié une étude intitulée « Vin, alcool, plaquettes : le paradoxe français de la maladie coronarienne. » Les auteurs ont constaté que, même si les Français consomment des niveaux élevés de graisses saturées, leur mortalité par maladie coronarienne était plus faible que chez les américains et les anglais suivant un régime similaire à l’égard de graisses saturées. Citant des études épidémiologiques, les auteurs ont déclaré que ce «paradoxe français» pourrait être en partie attribuable au niveau élevé de consommation de vin rouge en France.
Bonjour Jo
En lisant ton article, je me réjouis, d’avoir arrêter totalement l’alcool.
Par contre, une question persiste dans mon esprit. Comment se fait-il qu’ autant de personnes peuvent consommer un tel produit qui n’amène rien ?
Bon dimanche.
Bonsoir Ludovic
Les gens en boivent parce qu’au début, cela désinhibe et amène une certaine relaxation.
L’habitude aidant, ces effets disparaissent et l’accoutumance s’installe.
Tu as bien fait de t’en éloigner car, dans notre société, les lobbies de l’alcool et les croyances populaires représentent une énorme pression.
Amitiés
Jo
Bonjour Jo
merci pour ton article sur l’alcool et ses conséquences sur le corps et l’esprit
Nous ne faisons pas partie des personnes qui buvons beaucoup d’alcool, mais lorsque nous recevons et allons chez des amis, il est vrai que nous pouvons boire 2 ou 3 verres de vin.
par contre pour ma part je ne considère pas l’alcool comme un moyen de me détendre, d’accéder au bonheur, pour moi il est un aliment (par ex lors de repas chez des amis)
le fait de vraiment l’apprécier au moment du repas fait peut être que les conséquences sont moindres sur notre esprit. mais bien sûr il ne faut pas répéter cela chaque jour, bien évidemment.
Peux tu préciser Jo quels aliments s’accompagnent bien avec un verre de vin (nous ne buvons pas du tout d’alcool fort) ou y a t il un article où tu as traité cette question
merci d’avance et bonne journée
Jacqueline
Bonsoir Jacqueline
on peut boire quelques doigts de vin de temps à autre sans danger, comme un Arishta qui va doper la digestion.
Il est bon de manger avec des aliments qui apaisent le feu de l’alcool.
Le mieux à terme est d’oublier jusqu’à son existence!
Pour plus de détails, je te conseille de faire une recherche Internet en anglais « alcohol and ayurveda ».
Amitiés
Jo